Les prêtres voyageant sur un paquebot de croisière ne font pas qu’admirer les glaciers et les baleines en savourant un café-crème. Même s’ils bénéficient presque des mêmes avantages que les autres passagers, certaines tâches régulières leur sont tout de même confiées.
Par Pierre-Charles Robitaille, prêtre
C’est un réel ministère, même s’il est moins exigeant et prenant que celui en paroisse, par exemple. Ces ministres maritimes sont recrutés par l’association états-unienne Apostleship of the Sea (AOS). Cette organisation a pour objectif de recruter et d’approuver des prêtres catholiques qui vont exercer un ministère quotidien à bord des bateaux de croisière. Ces prêtres doivent être ordonnés validement et accrédités, chaque
année, par leur diocèse d’appartenance. AOS fait également la promotion de prêtres canadiens.
L’aumônier choisi rend certains services essentiels: il célèbre la messe tous les jours à bord, il préside le dimanche soir une Eucharistie spécialement pour le personnel du navire (dont près de 50% provient souvent des Philippines), il est disponible pour offrir une liturgie de la Parole appropriée pour non-catholiques, procure des soins pastoraux aux passagers et employés souffrants ainsi que tous les besoins religieux et spirituels demandés, en particulier le sacrement du Pardon. Il est une présence amicale, réconfortante, disponible et serviable sur le bateau tant pour les passagers que les membres d’équipage.
Lorsque c’est possible, bien des voyageurs catholiques vont privilégier une croisière à bord d’un navire ayant un prêtre à bord. Parfois, certaines personnes bien nanties ne vont pas hésiter à financer la venue d’un prêtre lors de leur périple pour leurs besoins spirituels personnels. En échange de ses services, le prêtre reçoit une simple mais confortable cabine intérieure et tous les repas (sauf dans les restaurants spécialisés où il doit débourser, comme les autres passagers, un supplément). Il ne reçoit aucune rémunération mais verse des pourboires aux préposés qui prennent soin de sa cabine et au sacristain désigné et doit payer le plein montant s’il prend une des excursions qu’on sait habituellement
dispendieuses. Des rabais lui sont consentis cependant sur certains breuvages et achats dans les boutiques du bateau. Il défraie lui-même son transport pour atteindre le port d’embarquement et rentrer chez lui à la fin. Il lui est strictement interdit de jouer au casino ou de solliciter des dons monétaires pour lui-même.
Dans un manuel, The Apostleship of the Sea-USA détaille avec précision ce qui est attendu du prêtre sélectionné pour ce ministère spécialisé.Aucun ministre n’est jamais engagé à temps plein sur un navire. La plupart font coïncider une croisière avec leur période annuelle de vacances. Certains prêtres retraités en profitent toutefois pour offrir leurs services pour des voyages multiples, par exemple une croisière de cent jours autour du monde. Chaque soir, les passagers de la croisière reçoivent le programme des évènements pour la journée suivante, incluant l’heure et l’emplacement de la célébration eucharistique à venir. A plupart du temps, l’aumônier en est informé lui aussi à ce moment-là.
À 8h00, le matin, si nous étions en mer, ou à 17h00 l’après-midi, quand nous étions accostés, la messe pouvait attirer, lors de ma dernière croisière, 30 à 40 fidèles en semaine, 60 à 70 les samedis et dimanches soirs. Elle est célébrée en anglais. Nous nous retrouvions dans une salle multifonctionnelle de taille moyenne, qui servait aussi pour les joueurs de bridge et de ma-jong, et même pour un partage biblique évangélique. Un diacre et son épouse, voyageant avec nous, s’étaient offerts pour proclamer les lectures. La liturgie ne devait pas durer plus de trente minutes. Pour certains participants, c’était leur première messe communautaire depuis le début de la pandémie. Le prêtre apporte seulement son aube, Tous les autres vêtements liturgiques, les vases sacrés, les lectionnaires, le Missel romain et tous les accessoires utiles à la célébration sont fournis. C’est en mer que j’ai pu apprécier le meilleur vin de messe…il vient des restants de bouteilles de la salle à manger! De plus, des livrets sont disponibles pour mieux suivre la messe. L’habillement clérical et le col romain sont toujours de rigueur durant les activités pastorales et liturgiques.
Plusieurs personnes demandaient à me rencontrer pour vivre le sacrement du Pardon ou un peu d’accompagnement spirituel. Ils appréciaient beaucoup le fait de pouvoir se confier à un prêtre qu’ils ne connaissaient pas vraiment et ne reverraient sans doute jamais. Pour la première fois, en croisière, j’ai offert une célébration de bénédiction de couples mariés en dehors de la messe. Une vingtaine de ces derniers, dont plusieurs qui célébraient des anniversaires de mariage durant le voyage, ont répondu à mon invitation. À la fois émouvante, joyeuse et intensément priante, ce fut une expérience qui mérite d’être répétée à nouveau. Il importe de souligner que pour l’équipage, lié par d’exigeants contrats et souvent en mer pendant plus de neuf mois, la présence d’un aumônier procure un soutien bienfaisant, alors que pèse l’absence de leurs amis et parenté. Le ministre peut réconforter et offrir une certaine aide spirituelle. D’ailleurs, il suffit de quelques jours en mer pour que bien des membres de l’équipage vous appellent « Father » ou « Padre » dès qu’ils vous
croisent sur le navire.
La rencontre eucharistique du dimanche soir avec les employés est tardive, car ils débutent habituellement leur journée de travail dès 6h00, pour ne la terminer que vers 23h00. Il importe de réaliser que ces gens, dont la plupart ont des familles, sont séparés de leurs foyers et paroisses d’attache pendant près d’un an. J’ai été étonné, plus particulièrement, par la dignité et la piété des employés philippins, et le respect dont ils faisaient preuve à mon égard. Quelqu’un apportait souvent une guitare, et les chants enjoués dans la langue de leur pays se mêlaient aux répons dans celle de Shakespeare.
Souvent, durant le memento des défunts de la prière eucharistique, ces fidèles nocturnes nommaient des personnes chères récemment décédées. Leur manifester mon souci de leur bien-être, ainsi que pour leurs proches et leurs familles éloignées m’a paru les réjouir et les consoler réellement. Ce genre d’expérience nous fait réaliser l’opportunité et la réelle capacité de faire un peu de bien qui est propre à notre
ministère sacerdotal. L’aumônier de la mer peut vivre une expérience ministérielle enrichissante et pertinente tout en découvrant de superbes coins du monde.
Pour toute information supplémentaire sur ce ministère : www.aos-usa.org
Source : Revue Pastorale Québec de mars - avril 2023 - pages 18-19