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Pas de fossé des générations avec les Soeurs

Nouvelles 2023-07-16
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Photo d'Anna Hecker sur Unsplash

Naguère encore responsable de la formation des agentes et agents de pastorale laïques au Service des ressources humaines en pastorale (SRHP), Marie-Pier Gagné est, depuis septembre dernier, animatrice à la vie spirituelle et communautaire chez les Sœurs de la Charité de Saint-Louis, à la Résidence Louise-Élisabeth de Lévis. C’est là que nous l’avons interviewée.

Propos recueillis par René Tessier

Q: Bonjour, Marie-Pier. Merci de nous recevoir dans ton milieu de travail. Au fait, qu’est-ce qui t’a fait envisager de nouvelles fonctions comme celles-ci ?

R: Je dirais: une série de circonstances. Depuis un certain temps déjà, après neuf ans aux services diocésains, je caressais le désir de retourner à ce qu’on peut appeler la pastorale « de terrain ». Je voulais pouvoir me déployer à nouveau dans l’animation et avec plus de
créativité. À mon arrivée au SRHP, je consacrais 80% de mon temps à l’accompagnement des agents et agentes de pastorale. À la fin, les tâches cléricales, de bureau, occupaient 80% de mon temps. La définition de ma tâche s’était modifiée graduellement; sinon sur papier, mais bien dans les faits, au quotidien.

Q : Cela est peut-être attribuable, au moins partiellement, à la décroissance du nombre d’agentes et d’agents de pastorale laïques. Cette évolution, je crois que tu l’as suivie de très près ?

R : Oh oui! Dans le diocèse de Québec, nous sommes passés de presqu’une centaine d’agentes et agents laïcs à moins de 50, en seulement huit-neuf ans. Certes, la pandémie a été un facteur important, affectant gravement les ressources financières des paroisses. On n’a vu que très peu d’embauches ces dernières années. Chaque fois qu’une animatrice ou un animateur de pastorale quittait son emploi, nous adressions une lettre « incitative » à la ou les paroisses concernée-s pour encourager les responsables à maintenir le poste ouvert. Évidemment, la décision leur appartenait et leur appartient toujours. Nous pouvons identifier facilement des choix administratifs : on investit plus sur les bâtiments que dans du personnel pastoral. Et les prêtres sont jugés plus indispensables car eux peuvent offrir la messe à leurs communautés chrétiennes. Même si nous savons bien que si l’évêque aurait plus de prêtres à proposer aux paroisses, il se ferait parfois répondre (c’est arrivé à quelques reprises) : « Désolé, nous ne pouvons pas nous permettre un salaire additionnel ».

Q : Donc, cette décroissance ne s’expliquerait pas seulement par les effets de la pandémie?

R : Nous avions déjà constaté, avant même que la pandémie ne fasse irruption en 2020, un taux de départ très élevé sur cinq ans. Beaucoup d’animatrices et d’animateurs de pastorale quittaient après moins de cinq ans. Plusieurs étaient jeunes et provenaient de divers univers, certains avaient vécu une expérience au sein d’une communauté religieuse, d’autres nous étaient venus par le canal des mouvements ou de la paroisse.

Q : La nécessité de travailler plus ou moins régulièrement les soirs et fins de semaine serait-elle pour quelque chose dans leur lassitude ?

R : Ça dépend… Moi, j’avais pris l’habitude de suggérer que ce type d’engagement permettait plus de flexibilité que d’autres: après des activités importantes en fin de semaine, on peut dégager le mardi ou le mercredi, par exemple, on peut se réserver des journées avec les enfants durant la semaine de relâche… Car, bien entendu, en pastorale, il nous faut nous trouver là où sont nos gens, les parents, les enfants, les catholiques qui assistent aux messes dominicales, d’autres aussi.

Q : Certains agents et agentes qui ont laissé évoquaient une plus ou moins bonne réceptivité des familles en initiation chrétienne, par exemple. Ils disaient avoir eu l’impression d’œuvrer « dans le vide » avec des personnes qui ne faisaient que passer ponctuellement; une question que, d’ailleurs, tout prêtre ayant accompli un ministère paroissial a pu se poser un jour ou l’autre ?

R : Je comprends, mais, pour ma part, j’ai toujours préféré me dire: si ces gens sont là, avec nous, c’est que quelque chose les motive. Ils investissent tout de même plusieurs heures alors qu’ils sont tellement sollicités de toutes parts. Alors, à nous de saisir l’opportunité et de faire de ces instants, si fugitifs soient-ils, un lieu de rencontre qui donne du souffle. Il vaut mieux, à mon avis, se fonder sur le côté positif de la situation.

Q : C’est ton expérience dans tes ministères précédents? Au fait, peux-tu nous résumer ton parcours jusqu’aux Services diocésains?

R : J’ai d’abord été agente de pastorale, pendant six ans, dans les paroisses de Breakyville, Charny et Saint-Lambert. Puis j’ai été chargée de pastorale, au Primaire, au Collège Jésus-Marie de Sillery, avant d’être engagée au Service (diocésain) des ressources humaines en pastorale. Quand on y pense, en à peine plus de 15 ans, j’ai pu voir tout une évolution. Au début, il y a avait un curé consacré entièrement à chacune des
communautés chrétiennes pour lesquelles j’oeuvrais : Martin Saint-Amant à Saint- Lambert. Marcel Pellerin (qui était en même temps au CEGEP de Sainte-Foy) à Breakyville et Gabriel Gingras à Charny. C’est fou tout ce chemin qui a pu être parcouru en si peu de temps!

Q : Te voici maintenant accompagnatrice spirituelle d’une communauté religieuse; un mandat entièrement nouveau pour elles comme pour toi. Comment t’acquittes-tu de cette fonction?

R: Ça passe par toute une gamme d’activités. Tout récemment (fin janvier), nous avons vécu la Semaine de la Parole de Dieu, en concertation avec la paroisse Saint-Joseph de Lévis. Peu auparavant, c’avait été le Mois de la Création. Ces jours-ci, nous sommes à organiser la Journée des personnes associées aux SCSL. Mais ces temps forts ne représentent qu’une partie de l’action pastorale; je suis vouée aussi à un accompagnement spirituel pour faciliter d’inévitables transitions : changement d’étage pour cause de perte d’autonomie, fin de vie, apprivoisement des troubles cognitifs, sévères ou légers. Je vais même aider à planifier des rendez-vous médicaux. Pour m’aider et me garder au fait de tout ce qui arrive, je peux compter sur quatre religieuses déléguées, dites « représentantes d’étage », qui ont entre 77 et 84 ans. À l’échelle de la maison, ce sont des jeunes.

Q : Tu n’es pas la seule personne laïque à avoir reçu un mandat comme celui-ci, je crois : est-ce que Réjean Bernier n’a pas accepté une nomination semblable chez les Sœurs du Bon-Pasteur à Sainte-Foy?

R : En effet. Vous savez que Réjean et moi nous connaissons bien. Ses responsabilités se comparent aux miennes mais lui est aussi assigné au soutien du personnel de leur Maison généralice, car, là-bas, ce sont les employés permanents des religieuses. Ici, la formule est légèrement différente : l’édifice et les services sont gérés par une entreprise, COGIR, et la communauté « fournit les locataires ». Les Sœurs de la Charité de Saint-Louis sont 130 dans la résidence et chaque départ (mort) est encore compensée par l’arrivée d’une nouvelle religieuse; même si, depuis l’ouverture il y a six ans, la Congrégation a subi pas moins de 75 décès.

Q : Et toi, comment t’es-tu adaptée ici ?

R : Ça m’a paru plus facile que prévu. Au début, il faut un apprivoisement mutuel. D’une part, je n’avais aucune expérience de la vie dans une communauté religieuse. D’autre part, la différence d’âge peut toujours poser problème et empêcher des femmes âgées de se confier à moi, même si je n’en ai pas conscience. Cependant je pense que le contact s’est bien établi. Je dirais même qu’avec plusieurs, une belle complicité s’est développée. Cette formule, un ou une agent-e laïque au service de religieuses âgées, pourrait se multiplier éventuellement. Mais n’anticipons pas trop : cela ne fait que six mois que deux d’entre nous ont accepté un tel mandat…

Q : Même si c’est encore tout frais, tu as probablement réalisé un certain nombre de
constats ?

R : Oh oui! En quelques mois, j’ai découvert ou redécouvert plus précisément à quel point ces femmes ont donné énormément, tant à notre Église qu’à la société québécoise. Elles ont été enseignantes, infirmières, missionnaires en Haïti ou ailleurs… Le Québec leur est énormément redevable de ce qu’il est devenu, d’autant plus qu’elles ont remis à l’État toutes leurs œuvres, sans rechigner. Notre monde ne serait pas le même sans elles. Ce n’est qu’un juste retour des choses que nous leur redonnions un peu, entre autres à travers une écoute attentive. Plus globalement, toutes les personnes aînées méritent notre considération. Dès mon arrivée, j’ai été séduite par la devise affichée à l’entrée:
« Ensemble, bâtissons un milieu de vie ouvert sur le monde ». Nous voilà bien loin du repli sur soi, encore plus de l’égocentrisme.
(…) En même temps, je me suis attachée à mieux comprendre des problématiques comme celle de l’Alzheimer, avec laquelle j’étais moins familière. Avec une équipe de la Maison de François (basée au 2215, Marie-Victorin, dans le secteur de Sillery), nous voulons mettre sur pied une formation pour l’accompagnement du vieillissement; le projet n’en est encore qu’à ses balbutiements. Ce modèle pourrait inspirer des démarches semblables dans nos paroisses. La démarche, telle que pensée à ce stade, serait fondée sur celle d’Abraham, qui a dû abandonner bien des choses pour répondre courageusement à l’appel de Dieu, sans savoir où il allait. Ici, le projet pourrait être facilité par la culture
biblique que possèdent déjà nos religieuses…

Q : Intéressant… On sait qu’aux États-Unis et sans doute ailleurs, des recherches très savantes se sont penchées sur le phénomène de la longévité exceptionnelle dans les communautés religieuses féminines. À quoi l’attribuer ? Au soutien de la communauté, à la trame de fond de l’espérance chrétienne, à la régularité de la vie, à moins de stress dans la plupart des cas… ? Peut-être à tous ces facteurs à la fois. Je ne te demande pas ici une réponse très précise, car mes quelques lectures m’indiquent que les chercheurs eux- mêmes n’ont pas encore percé complètement le mystère.

R : Un des éléments qui m’a plus à l’arrivée, c’est que Mère Saint-Louis (fondatrice des SCSL) était à l’origine mère de famille. Je me familiarise avec sa vie petit à petit.

Q : Si ce n’est pas trop indiscret, as-tu des enfants ?

R : Oui. Comme plusieurs le savent déjà, je suis mariée à Alexandre Perreault, qui travaille toujours à la Chancellerie diocésaine. Nous avons deux grands garçons, qui ont 14 et 17 ans.

Q : Donc, tu ne regrettes pas trop (petit sourire malin) d’avoir quitté les Services diocésains.

R : (Sourire assorti) Ce qui me manque le plus, c’est l’accompagnement que je pouvais faire des stagiaires en pastorale. Ceci dit, je me surprends parfois d’être si heureuse ici. Mon engagement fait appel à plein d’éléments glanés au fil de mon expérience pastorale. J’y vois un lieu d’avenir pour d’autres agents de pastorale. On nous répète constamment, depuis quelques années, qu’il nous faut apprendre à penser autrement pour un renouveau de notre pastorale. Les religieuses qui m’ont accueillie ont fait montre d’une grande ouverture d’esprit et d’une belle capacité d’adaptation. Nous comptons trois centenaires dans la maison, toutes sont bien entourées. J’ai assisté déjà à quelques fins de vie; la mourante n’est jamais seule pour ce passage. Je m’étonne encore de voir qu’elles ont noué et conservé tant de relations, familles et amis. Il est vrai qu’on croise plusieurs membres de la Congrégation qui sont en même temps des sœurs biologiques ou des cousines.

Q : Fort bien, que dirions-nous en conclusion ?

R : Que c’est un milieu plein de vie, assurément. Quand j’ai été embauchée ici, j’aidemandé à la blague : « Vous comptez sur moi pour quatre-cinq ans, ou davantage? » On m’a répondu que puisque j’ai 40 ans, je pourrai compléter ici ma carrière professionnelle,
soit 25 ans de plus. Ça me convient très bien…

Q : Merci beaucoup, Marie-Pier. C’est très édifiant. NDLR: À la sortie, deux religieuses, sœur Nicole et sœur Rollande, nous ont confirmé discrètement que Marie-Pier accomplit un excellent travail à la Maison Louise-Élisabeth. L’une a ajouté à la blague « Mais il ne faut pas le dire ». Entendu, nous ne le disons à personne, nous nous contentons de l’écrire.

Source : Revue Pastorale Québec de mars - avril 2023 - pages 7-8

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